Son tempérament offensif est sa marque de fabrique, son détachement par rapport à la chose cycliste l’est tout autant. Thomas De Gendt est de ces coureurs qui me font adorer la Petite Reine. Je l’avais découvert avant le Tour d’Italie 2012, lors de mes premières tribulations journalistiques, alors que je commençais seulement à couvrir plus couramment le cyclisme. Un grimpeur aux résultats constants, un « diesel » comme on dit dans le métier, qui allait se révéler au fil des cols, tant que l’environnement lui sied, c’est-à-dire sans pression de résultats. C’est ce qui lui avait permis d’éclore chez Vacansoleil, c’est ce qui lui permet aujourd’hui de s’épanouir chez Lotto-Soudal. Bref, le Waeslandien est l’exemple-type du coureur au panache indéfectible. Une ode à l’attaque. Ce 26 avril, il a signé sur le Tour de Romandie sa 13e victoire professionnelle, sa 11e au plus haut niveau de la compétition. Il s’est imposé sur les trois courses de trois semaines de la saison (Tour d’Italie, Tour de France et Tour d’Espagne) et poursuit encore le rêve de gagner sur les plus beaux sommets européens, après le Stelvio (2012) et le Mont Ventoux (2016). L’occasion est donc belle de ressortir le premier long format que j’avais consacré à ce coureur belge, en 2012. Il avait alors 25 ans, et le lendemain, il s’imposait sur le Stelvio avant de devenir deux jours plus tard, troisième du Giro.
Article original publié le 25 mai 2012 sur CyclismeRevue.be
« J’y vais pour une victoire d’étape »: cette phrase lâchée à Herning, au départ de ce Tour d’Italie 2012, étonne encore. Thomas De Gendt, jeune talent du pays de Waes, déjà repéré grâce à ses deux victoires d’étape sur Paris-Nice 2011 et 2012 mais également sa sixième place à l’Alpe d’Huez du Tour de France 2011, fait partie de cette caste des insatiables attaquants, puncheur émérite, imperturbable sur trois semaines de course. Bref, le Belge de 25 ans étonne. Et encore plus sur ce Giro où il assure la place de N.1 belge en neuvième place du classement général. Pour quelqu’un qui visait une victoire d’étape…
Depuis ses 10 ans, Thomas De Gendt ne vit quasiment que pour le vélo. Grand par sa taille et son talent, l’homme de Semmerzake, à dix minutes de Gand (ça ne s’invente pas), a toujours été un attaquant, incapable de rester tranquille dans un peloton dès qu’il peut jouer du dérailleur sur les pentes qu’il affronte. « Je ne pouvais pas m’entraîner sur des longues routes lorsque j’ai fait mes premières courses, à dix ans. Je m’entraînais dans le jardin de mes parents, en espérant que ça porte ses fruits », confie le coureur belge dans le magazine Humo. « Et dès ma troisième course aux Pays-Bas (NDLA: en Belgique, on ne pouvait courir avant l’âge de 10 ans à l’époque), je gagnais enfin. J’adorais la victoire, monter sur le podium, recevoir un bisou et les fleurs des miss, ramener une coupe à la maison. Les huit premiers recevaient un trophée à l’époque et je les ai toujours toutes chez moi. »
« Mes idoles: Dierckxsens, Durand et Voigt »
De Gendt s’est forgé lui-même, sans entraîneur dès ses débuts, juste ses gambettes et la passion de ses parents qui l’emmenaient chaque week-end de l’autre côté de la frontière pour disputer ces premières kermesses. Découvrant rapidement que ses qualités de footballeur n’étaient pas franchement développées, le jeune Thomas décidait de rester dans le cyclisme, de poursuivre ses rêves de devenir professionnel. « Je veux devenir coureur », répétait-il inlassablement à ses parents. Et à la télé, il se prenait d’admiration pour les baroudeurs de la première heure: « Ludo Dierckxsens, Jacky Durand et Jens Voigt, des gars qui résistent au peloton du premier kilomètre jusqu’à l’arrivée ». Récemment, il déclarait encore dans Humo: « Je ne veux pas devenir comme Mark Cavendish. Je n’aime pas la façon dont ces gars-là gagnent: à 200 mètres de l’arrivée, il doit être derrière sept équipiers puis un peu sprinter… »
Et clairement, le coureur de 25 ans n’est jamais resté dans cette configuration. Attaquant invétêré, il se faisait déjà remarquer chez les espoirs par son tempérament et sa pugnacité. Notamment sur le Triptyque des Monts-et-Châteaux, en 2008, durant lequel il s’essayait à l’offensive dès la première étape en compagnie de Jan Bakelants avec, à la clé, une victoire d’étape et le maillot jaune qu’il conservait jusqu’au final. Comme si De Gendt faisait une allergie au peloton. « Je n’en ai pas peur. J’ai peur de tomber tout simplement. Et c’est plus dangereux dans un peloton », confime-t-il. « J’aime être à l’attaque, c’est mon style. » Un an plus tard, le grand public le découvrait sur la 4e étape du Tour de Wallonie qu’il remportait au bout de… quatre attaques en tête de la course et un sprint victorieux devant Pavel Brutt.
« La prochaine étape de ma carrière: les Grands Tours »
Doucement, le Waeslandien faisait son nid et prouvait dès sa troisième année pro, chez Vacansoleil, que ses attaques pouvaient payer. « J’ai décroché mes plus belles victoires sur Paris-Nice. Mais je retiens surtout la deuxième, cette saison. C’est vrai, le peloton nous avait laissé de la marge mais j’ai dû tenir seul, dès que Taaramae a lâché prise. C’était long mais c’était beau », récapiture De Gendt. Et le Belge prouvait qu’il pouvait également prester en montagne avec une victoire en solo sur le Tour de Suisse, sur les pentes de Serfaus en lâchant même… Andy Schleck, une sixième place sur l’Alpe d’Huez au Tour de France avant une quatrième place sur le chrono final de la Grande Boucle. Car sur trois semaines aussi, De Gendt peut aussi faire des miracles.
« C’est la prochaine étape de ma carrière », affirme-t-il. « Mais tout peut se passer: si je finis totalement crevé à la fin du Giro et que je termine les dernières étapes en montagne dans le gruppetto, oui, je devrai tempérer mes ambitions sur les Grands Tours », confiait-il à Humo avant ce Tour d’Italie où Thomas De Gendt impressionne. Dans le Top-20 de toutes les étapes de haute montagne (à l’exception de la première journée dans les cols, à Rocca di Cambio), le Waeslandien est loin de ses ambitions de victoire d’étape, et rien d’autre: le voici candidat au Top-10. Certes doté de belles qualités de récupération et bon grimpeur, comment expliquer un tel succès? « Je roule à mon rythme, je ne veux pas aller dans le rouge à suivre les favoris à tout prix. Et ça me réussit. Je pense aussi que c’est dû à la lutte contre le dopage. Sans les gros contrôles antidopage auxquels on a droit, je ne pense pas que je serais aujourd’hui dans le Top-10. Et puis, peu de coureurs sortent du lot, les écarts sont faibles », confiait-il au Laatste Nieuws après l’étape de Cortina d’Ampezzo.
« Pas de folles perspectives »
De Gendt avait choisi le Giro en lieu et place du Tour de France pour son mariage prévu avec Evelien le 29 juin prochain. Et le Waeslandien s’attendait surtout à se tester en vue du Tour d’Espagne, où il espère cette fois jouer une place d’honneur au classement général. « C’est cela mon grand objectif de la saison », explique-t-il. « Si je vois que je suis aussi bon sur trois Grands Tours consécutifs, je pourrai envisager d’aller acheter un appartement en Italie ou en France pour m’entraîner sur un terrain idéal, dans les cols. Mais pas maintenant, je ne veux pas me faire de folles perspectives alors que je n’obtiens pas des bons résultats ». S’il attaque sans hésiter sur les courses, Thomas De Gendt ne veut donc pas foncer tête baissée dans la vie. Sa tête, il l’a bien sur les épaules et confirme qu’il sera l’un des grands espoirs du cyclisme belge sur les courses par étapes, même si « Liège-Bastogne-Liège reste (sa) course préférée ». Mais avec le coureur de Vacansoleil, on ne sait jamais de quoi l’avenir est fait…
Photo : ASO/Unipublic/Gomez Sport
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